Les artisans de la littérature jeunesse ne s’adressent jamais tout à fait à un enfant réel, mais plutôt à un enfant conceptualisé, imaginé. C’est principalement cette perception de l’enfant, évoluant à travers les époques, qui est évoquée comme motif pour la réécriture d’œuvres classiques telles que La Belle et la Bête. Si les éditeurs choisissent d’adapter le célèbre conte de Leprince de Beaumont plutôt que de simplement le rééditer, c’est pour qu’il corresponde mieux à ce qu’ils estiment être les goûts, les aptitudes et les besoins des enfants d’aujourd’hui. Afin de mieux comprendre cette perception contemporaine de l’enfance, trois récentes adaptations en albums illustrés de La Belle et la Bête seront examinées, soit les versions de Max Eilenberg (illustrations de Angela Barrett), d'Ursula Jones (illustrations de Sarah Gibb) et de Stéphanie Paquet (illustrations de Giovanni Manna). On se penchera plus précisément sur les stratégies d’adaptation mises en œuvre (tant au niveau du texte que de l’image) et sur le nouveau Lecteur Modèle qu’elles paraissent générer. Les observations relevées traceront le portrait d’une enfance sensible, incompétente, stéréotypée et tournée vers le jeu.