Le roman Empanada, a lesbiana story en probaditas, publié en 2012 par l’autrice chicana Anel I. Flores, va à l’encontre de la classification littéraire entre prose et poésie, de la bienséance hétéronormative et du monolinguisme anglo-saxon. Le pan théorique de notre mémoire interroge le rôle de l’affect dans la prise de décisions traductives, défend le projet d’une pratique essayistique de la traduction et aborde la bâtardise en tant que mode performatif et queer d’écriture. Notre cadre théorique s’inspire des écrits d’Adorno, de Sara Ahmed, de Jack Halberstam et de Judith Butler et des exemples précurseurs de Barbara Godard, Carole Maier et Susanne de Lotbinière-Harwood. Le commentaire qui accompagne cette réflexion vient souligner l’hétérolinguisme exacerbé de notre version du texte de Flores et jette un éclairage sur les différentes défaites qui se dissimulent derrière nos choix. Le pan création de notre mémoire consiste en une traduction d’une douzaine de tableaux d’Empanada et en un essai laissant affleurer un espace de création fluctuant au fil des différentes orientations que prend le corps traduisant. Plutôt que de recourir aux concepts de domestication et d’étrangéisation, lesquels sont souvent évoqués lors de la traduction de textes hétérolingues, nous explorons le pouvoir inaugurateur de l’affect dans le tracé de la frontière entre le familier et l’étranger. L’imbrication de l’hétérolinguisme et du queer nous permet de cibler un lectorat franco-canadien non pas monolithique mais éclaté et d’adresser conjointement l’enchevêtrement de langues traditionnellement considérées distinctes, l’oralité en écriture et la lesbianidad mise en scène par Flores.