Abstract

La métaphore paulinienne de l’Église corps mystique du Christ est un sujet clé de la théologie chrétienne. Elle représente l’unité des croyants avec le Christ en utilisant l’image d’un corps humain biologique. La scolastique médiévale a récupéré cette image dans le cadre des traités sur la grâce capitale du Christ. Un des plus notoires nous provient de Thomas d’Aquin (1225?-1274) et se lit, entre autres, dans la Summa theologiae (ST) III, q.8, a.1-8. Les deux derniers articles de cette question sont consacrés au diable et à l’Antichrist comme têtes des méchants (caput malorum). Il s’agit d’un hapax dans l’ensemble du corpus thomasien. Que signifie l’intégration de ces articles sur la « capitalité » du diable et de l’Antichrist dans l’œuvre magistrale de Thomas d’Aquin ? Les études sur la christologie et l’ecclésiologie de Thomas d’Aquin ont négligé cette question. Notre projet de recherche a précisément pour objectif de combler cette lacune. Pour ce faire, nous nous appuyons sur une théologie historique telle que définit par Alister McGrath que nous combinons avec une approche du thomisme vivant décrit par Serge-Thomas Bonino. Notre projet met en branle une double méthodologie. D’abord, une critique externe du texte par une généalogie de l’histoire d’une idée théologique, le corpus diaboli et sa réception dans l’œuvre de Thomas d’Aquin. Ensuite, une critique interne, à la fois chronologique et littéraire, qui fonde l’interprétation de la capitalité du diable et de l’Antichrist à l’aide d’une compréhension de la théologie de gratia capitis de l’Aquinate. Nous soutenons que l’orientation christologico-sotériologique de la Tertia pars permet de saisir l’intégration des articles sur la capitalité du diable et de l’Antichrist sur les impies. La notion d’influentia fournit la clé de lecture de l’ensemble de la ST III, q.8 qui vise à expliquer la transmission de la grâce du Christ à ses membres en vue de leur salut et, par contrariété asymétrique, l’influence du péché par le diable sur les méchants, pleinement reçue par l’Antichrist.