Abstract

L’amnésie collective causée par la purge des arts et des passeurs de savoirs durant le génocide des Khmers rouges a engendré un mémoricide, marqué par la perte des archives et la rupture de la transmission orale, privant les Cambodgiens des repères pour négocier l’évolution de leur identité collective. Cette fragmentation, amplifiée par la diasporisation massive dès 1979, a conduit à l’aplanissement et à la distorsion des histoires, à la perte de la langue khmère et à l’ancrage d’un silence latent, amplifiant les effets du fossé et trauma intergénérationnels. Pris entre la mélancolie et la dissociation raciale, une majorité de Cambodgiens au Québec peine à s’approprier sa culture et à participer au mouvement de renaissance khmère en effervescence depuis plus de quinze ans au Cambodge, en France et aux États-Unis. Cette recherche-création est une expérimentation méthodologique sur l’apport de l’illustration comme langage visuel pour réactiver les mémoires et les savoirs, afin de produire de nouvelles histoires orales : quel récit mettre en l’avant, comment le représenter et le raconter? Grâce à une revue de littérature et de médias, des interviews d’aînés cambodgiens, des archives retrouvées, puis une analyse d’artéfacts culturels et des tactiques de réappropriation narrative en illustration, ce projet aboutit à un court récit visuel muet sur l’histoire non-documentée de l’écriture khmère au Québec. La thèse conclut en mobilisant les thèmes de la mémoire, de l’espoir et du langage visuel de l’illustration pour répondre à l’interrogation implicite qui traverse ce projet : comment exister face à l’effacement?